La comparaison entre les six règles essentielles prescrites par les Directives Européennes, les huit règles essentielles dégagées par le droit français et les articles 213 à 218 du Code civil fédéral entré en vigueur le 1er janvier 2011 permet de qualifier ce dernier de « rendez-vous manqué du droit suisse avec la médiation ».
1. Incitation judiciaire à la médiation
Alors que les Directives attendaient du juge qu'il propose la médiation et incite les parties à adhérer à un mode amiable de règlement du conflit, le droit suisse nie totalement l'existence de la médiation à son article 213. En effet, la médiation n'est envisageable que si les deux parties en font la demande ! Cet article ne peut rester que lettre morte, tant il est vrai qu'il n'y aura jamais deux parties et deux avocats qui s’adresseront à un juge pour lui dire qu'ils veulent une médiation. Si d'aventure ils y ont pensé, ils sont assez grands pour la mettre seuls sur pied.
L’article 214 alinéa 1 CPC n’est pas assez précis dans la mesure où ils se contentent de dire que le tribunal peut « conseiller en tout temps aux parties de procéder à une médiation ». D’une part, le juge suisse ne possède pas l’arsenal du droit français pour mettre sur pied cette médiation et la contrôler. D’autre part, il n’a pas l’occasion de suivre des formations sur les nouveaux modes de règlement du conflit, comme ses confrères français. Comment le juge suisse peut-il penser à la médiation s’il n’en connait ni la définition ni les rouages et s’il continue à confondre conciliation et médiation ?
2. Limitation dans le temps de la médiation
En ne prévoyant pas une véritable procédure de médiation avec suspension du procès dans des délais extrêmement cadrés comme le fait le droit français (trois mois plus trois mois supplémentaires exceptionnellement accordés après requête expresse motivée du médiateur), l'acceptation de la médiation par une partie peut être synonyme de moyen dilatoire. Ce risque est suffisamment grave pour justifier à lui seul le refus de la médiation par le justiciable légitimement pressé. La conception de l’article 215 CPC qui laisse les justiciables maître du déroulement de la médiation est une grave erreur politico-judiciaire.
3. Homologation de l'accord de médiation
Il aurait suffi au code de procédure civile de reprendre les articles 56 alinéa 1, 58 alinéa 2, 65 de la loi genevoise modifiant la loi de la procédure civile (annexe 35 et annexe 36). Pour les genevois, le code de procédure civile est en effet une véritable régression, eux qui connaissent l’homologation des accords de médiation, qu’il s’agisse de médiation dite judiciaire ou de médiation dite privée, depuis longtemps déjà.
4. Confidentialité de la médiation
Sur ce point on peut se contenter du texte prévu à l’article 216 CPC.
5. Suspension de la prescription
Comment le droit suisse peut-il exposer des personnes à un risque de prescription alors que leur seul tort aurait été d’adopter un règlement amiable du conflit et alors qu’ils auraient fait confiance à un médiateur sans formation juridique. Cette inconscience du législateur est d’autant plus coupable que le droit suisse ne protège aucunement le terme de médiateur, chacun pouvant s’en arroger le titre. Le silence du Code de procédure rend indispensable la rédaction de convention de médiation par un médiateur-avocat qui mentionnera expressément que « la présente convention vaut renonciation à la prescription. »
6. Formation du médiateur
Le droit suisse ne parle pas de la formation des médiateurs refusant ainsi de protéger les personnes qui choisissent un mode de règlement amiable de leur conflit. Ce sont des associations professionnelles qui ont dû prendre la relève telle que la Fédération Suisse des Avocats (annexe 34).
Toutefois, à partir du moment où la médiation échappe à la justice comme le Code de procédure civile le permet et qu'elle n'est pas cadrée par un juge comme en droit français, peu importe finalement que les associations professionnelles s'acharnent à établir des normes qui ne sont pas connues du public et qui ne sont pas protégées par la justice. On se trouve dans un no man's land juridique hautement préjudiciable.
7. Opposabilité d'une clause de médiation
Comment imaginer que les juristes du XXIe siècle puissent tenir compte de l’évolution du monde économique en intégrant de plus en plus les modes amiables de règlement des conflits, alors que ces derniers ne bénéficient d’aucune protection en droit suisse. En effet, aucun article du CPC ne protège une clause contractuelle de médiation… pas plus d’ailleurs que la jurisprudence du Tribunal fédéral. Les tribunaux suisses ne se considéreront pas comme incompétents si une partie ouvre action sans avoir procédé au préalable à la médiation comme elle s’en est engagée en signant une clause de médiation avant l’éclatement du litige. La non-reconnaissance par le droit suisse de telles clauses de médiation, les privent de toute pertinence juridique.
8. Frais de la médiation
Alors que les autorités politiques se plaignent du coût de la justice de plus en plus de personnes devant faire appel à l’assistance judiciaire et alors qu’il n’est plus à prouver que la médiation est une économie financière et pour l’Etat et pour les parties, le code de procédure civile a oublié également de prévoir l’assistance judiciaire en matière de médiation (sauf pour la médiation familiale). Ceci est d’autant plus regrettable que certains droits cantonaux, tel que le droit cantonal genevois, précurseur en la matière, auraient pu servir de modèle. Il prévoit la prise en charge par l’assistance judiciaire des coûts de la médiation conventionnelle et de la médiation judiciaire.
Alors que le droit français prend soin de régler la fixation des honoraires du médiateur, le droit suisse se désintéresse de cette question.